Il était une fois un vieux couple heureux (la fin de l'analyse)
9. La critique sociale et ses manifestations dans le roman
Le réquisitoire cache une critique sociale très intéressante, qui se manifeste dans le grand écart qui sépare les pauvres et les riches. Le narrateur et pour une société équilibrée qui donne aux pauvres les moyens de s’enrichir et d’exister à leur tour. Le pénible est que les riches accaparent les moyens de production et dans des clans, ils continuent à s’enrichir en exploitant les pauvres. Les riches ont tout pour vivre et pour profiter pleinement de la vie. Les pauvres eux sont incapables de subvenir à leurs simples besoins, personne ne pense à leur avenir ou à celui de leurs enfants. Toujours dévorés par la misère et le mépris…
Le narrateur évoque également un phénomène social très important, celui de l’émigration vers les villes surtout durant les saisons de sécheresse. Le narrateur est contre l’évacuation des villages. Il en souffre profondément : « Le vieux, qui avait vu cette désolation, se demandait si son propre village allait connaître le même sort » (p.150) Il ne veut pas que les gens abandonnent leurs terres, leurs maisons pour peupler les villes en vivant dans la misère. Il veut que l’Etat prenne en charge ce genre de villages en lui procurant l’aide nécessaire, afin que les villageois puissent rester dans leurs villages : « …Il faudrait que l’Etat nous vienne en aide, en procédant par exemple, à des forages coûteux. Mais l’Etat est bien loin d’ici. » (p.151) Un Etat qui ne met pas en considération le villageois et son état critique. L’Etat ne met pas dans ses plans ou ses projets une stratégie pour sauver la situation et aider les villageois à dépasser leur crise.
Le vieux trouve que l’émigration aux villes est un véritable danger une bombe qui ne tardera pas à exploser, qu’il ne faut nullement quitter ses terres et ses maisons pour affronter un avenir sombre et bizarre où seuls les malins peuvent réussir : « La ville ? Une future et toujours possible explosion sociale, une bombe à retardement. Un volcan endormi qui peut se réveiller n’importe quand et tout mettre en pièces. » (p.152) Le narrateur refuse cette évacuation des villages qui trouve insensée. Il faut selon lui, s’accrocher au travail, à la vie même dans le désert le plus aride.
10. La visée ou la portée du roman
Mohammed Khaïr-Eddine dans son œuvre : Il était une fois un vieux couple heureux a essayé depuis l’incipit de son roman à mettre en relief la situation des villageois et leurs problèmes. Il voulait que L’Etat commence à penser à cette classe sociale souvent marginalisée, isolée, voire reléguée au second plan.
La situation des femmes qui n’arrivent pas à s’épanouir dans un monde fait par les hommes et pour les hommes. Des femmes qui travaillent la terre, font des enfants et préparent des tajines qui sombrent dans l’anonymat et l’oubli.
Les villageois sont séduits par l’immigration en Europe, par l’argent et la vie facile. Ils ne pensent plus à travailler la terre qui leur semble inféconde et ingrate. Soit ils partent pour l’Etranger en quittant à jamais leur pays pour faire fortune ailleurs. Soit ils évacuent les villages pour atterrir à la ville à la recherche de la vie facile qui peut tourner en drame.
Les immigrés pour le narrateur, sont des ingrats puisqu’ils ne comprennent pas la vie et ses valeurs en sérieux. En Europe, leurs petits sont bouleversés par deux pays opposés. Ici, ils participent à consolider la crise sociale et la pauvreté une fois échoués à réaliser leurs rêves dans les grandes villes marocaines.
Le narrateur veut que l’Etat intervienne pour sauver la civilisation traditionnelle, le village ancien et ses ruines, pour empêcher la mort des terres et des maisons archaïques. Il veut que les villageois puissent à leur tour travailler leurs terres sans avoir peur de la faim. Il cherche à protéger la beauté naturelle, la beauté de cultiver son pain et de pouvoir manger ce que sa main a pu façonner, voire travailler avec soin et avec dignité.
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Présentation de l'éditeur
Il était une fois, effectivement, un vieux couple heureux. Des berbères de la montagne marocaine, soumis au rythme doux de la vie villageoise, à l'observation des saisons et des couleurs du ciel. Le vieil homme, revenu d'un passé agité, passe ses journées à calligraphier en langue tifinagh, héritée des anciens touaregs, un long poème à la gloire d'un saint. Sa poésie sera chantée à la radio, diffusée en cassettes, imprimée et reconnue.
Les portraits de visiteurs, étudiants américains ou amis revenant de l'étranger, ou de héros locaux promis à la désuétude, tel le forgeron africain, agrémentent le rythme austère des journées, scandées par la cérémonie du thé ou la préparation des plats ancestraux, dont un délicieux couscous aux jeunes pousses de navet.
Tout en maugréant contre la « modernité fanfaronne » et ceux qu'il appelle les « parvenus », il entreprend un nouveau poème sur le thème de l'arc-en-ciel.
Loin des fulgurances et des éclats flamboyants et sombres qui ont fait sa gloire, l'auteur d'Agadir et du Déterreur, mort en 1995, nous livre ici plus qu'un testament : le roman de l'apaisement qu'il avait tant rêvé.
L'auteur vu par l'éditeur
Né en 1941, à Trafraout, dans le Sud marocain. Après des études secondaires à Casablanca, Mohammed Khaïr-Eddine travailla un temps dans la fonction publique, avant de se consacrer à l'écriture. Il publia ses premiers poèmes dans La Vigie marocaine avant de collaborer dans les années 60 à la revue Souffles qu'animait le poète Abdelatif Laabi. Il s'installa en France, en 1966, et publia, l'année suivante, Agadir (Seuil). Suivront, chez le même éditeur, Corps négatif suivi de Histoire d'un bon dieu (1968), Soleil arachnide (1969), Moi l'Aigre (1970), Le Déterreur (1973), Ce Maroc ! (1975). Son dernier recueil de poèmes, Mémorial, parut au Cherche midi éditeur en 1991. Mohammed Khaïr-Eddine retourna au Maroc en 1993, où il mourut deux ans plus tard, à Rabat.